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La question de la désirabilité des marques


Selon Gilles Deleuze, l’individu désire non pas des objets isolés, mais des ensembles d’objets, que l’auteur associe à la figure de la grappe: je ne désire pas seulement ce top, mais également le jean qui lui est associé, et les chaussures qui accessoirisent le look.
Si l’individu désire par grappe, il est dès lors nécessaire de captiver le consommateur dans sa globalité, en cohérence avec ses associations culturelles et symboliques. L’enjeu sous-jacent est celui de susciter plus qu’un simple acte d’achat isolé, mais bien de faire adhérer le prospect à la marque, en tant qu’ensemble culturel.
René Girard, quant à lui, est à l’origine de la théorie du désir mimétique, selon laquelle on ne désir que par le truchement d’un tiers, c’est à dire par imitation du désir d’un autre.
Le désir mimétique, c’est le désir d’être celui qui nous montre quoi désirer, parce que nous-mêmes, nous ne le savons pas. C’est le désir d’être quelqu’un d’autre, c’est-à-dire de combler en nous un vide existentiel.”

Les trois dimensions clés qui nourrissent la désirabilité des marques sont:
  1. la sphère d’identité: ce qu’exprime la marque dans tous ses points
    de contact, son identité, sa personnalité
  2. la sphère d’intimité: sa dimension relationnelle, l'empreinte
    émotionnelle qu’elle laisse
  3. la sphère sociale: la congruence à l’image de soi, l’image projetée
    du consommateur
• le concept de Love Brand

Il a fallu attendre l’introduction du paradigme relationnel et la découverte que le consommateur attribue des caractéristiques humaines aux marques pour le concept d’amour suscite l'intérêt qu’il mérite.”

Le concept de Love Brand, déclinaison de la Lovemark définit par le publicitaire Kevin Roberts, se singularise par la notion de relation “amoureuse” ou affective forte entre la marque et ses consommateurs.

Fournier démontre en 1998 que des consommateurs entretiennent de véritables relations avec certaines de leurs marques. Caroll et ahuvia, en 2006, définissent l’amour pour une marque comme “le degré d’attachement émotionnel passionné qu’un consommateur a pour une marque particulière”. Enfin, pour Lacoeuilhe (2000), “l’attachement à la marque est une variable psychologique qui traduit une réaction affective durable et inaltérable envers la marque et qui exprime une relation de proximité psychologique avec celle-ci”.

Selon Kevin Roberts, les Lovemarks répondent à trois critères:
elles créent un lien entre l’entreprise, son personnel et ses marques
elles engendrent une fidélité au-delà de la raison
elles appartiennent à ceux qui les aiment

Il est temps pour les marques de passer d’une logique de transaction, régie par la loi du mieux offrant, à une logique de relation. Dans une relation entre une marque et un individu, entrent en ligne de compte des critères autres qu’économiques et rationnels, et la marque peut échapper à la rudesse de la loi du mieux offrant.”

Les ingrédients afin de construire une Lovemark ont été décrits, par Kevin Roberts, comme étant les suivants:
le mystère, en tant que mythe dont la marque est porteuse, mais également pour la part de rêve qu’elle confère
la sensualité, en tant que capacité à stimuler les sens, et par là même l’émotion
l’intimité comme la force du lien qu’elle entretient avec ses consommateurs

Le monde des Grandes Ecoles évoque, dans un article en date de novembre 2017, ces Love Brands qui ont en commun un positionnement fort et très différenciant, ayant adopté une attitude qui compose une nouvelle relation marque-consommateur. Cet
article cite comme exemple Michel & Augustin, Innocent, Le Slip Français, Lush.
Nous pouvons ajouter, parmis ces Love Brands notables, Nutella, Apple, Coca-Cola, Adidas, Sézane, Burger King, Lego, Harley-Davidson, McDonald’s, Nike, Nintendo, Vespa, Disney, Google, Pampers, Ikea, Barbie, Starbucks...

• de la nécessité de réenchanter la consommation

Alors que le marketing avait pour mission fondatrice de procurer au consommateur une offre constamment renouvelée, l’injonction faite aux équipes produits à la rationalisation de l’offre s’inscrit paradoxalement dans la perspective de la cage de fer prédite par Max Weber, et a ainsi contribué au désenchantement de la consommation.
En effet, le processus de rationalisation lié aux impératifs de profitabilité, la standardisation des produits de mode débouchant sur une offre pléthorique, l’omniprésence des mêmes enseignes sur le territoire français, ont conduit inexorablement le consommateur à la désaffection des enseignes françaises.

Ritzer, en 2002, dressait déjà un bilan violent: “aucune caractéristique de la rationalisation n’est plus inamicale à l’enchantement que la prédictibilité”, ainsi que “le processus de rationalisation mène, par définition, vers le désenchantement des évènements dans lequel il survient.”

Selon Olivier Badot, l’expérience de réenchantement nécessite de construire un univers holistique dans lequel projeter les consommateurs. Il semble dès lors impératif de proposer une vision du monde avant de vendre un produit, de redéfinir la relation à la marque au delà du transactionnel. En effet, tout ce qui émane de la marque doit être source d’une expérience d’enchantement.

La quête de sens est asséné depuis de nombreuses années par les bureaux tendances et conférenciers. Pour y répondre, il est nécessaire de penser au delà du “bon produit qui remplit les muraux” pour se tourner vers l’émotion et le plaisir.

Ces stratégies débanalisent l’offre et créent de la valeur émotionnelle autour des marques, ce qui permet d’échapper au seul critère du prix. Le réenchantement crée des expériences de shopping et de consommation qui construisent chez le client un sentiment d’appartenance, d’estime de soi et d’accomplissement.”


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