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La consommation et ses sociologies de Benoît Heilbrunn

Benoît Heilbrunn (professeur de marketing à l'ESCP Europe et à l'IFM) est l'un des rares spécialistes en sociologie de la consommation.
A travers son ouvrage intitulé La consommation et ses sociologies, l'auteur nous offre les clés permettant une meilleure compréhension du sens donné à la consommation.
Il énumère les différentes pratiques de consommation, à la croisée de la sociologie, de l'anthropologie et de la sémiotique.

"Le paradigme du consumérisme à une équation liant l'adéquation entre l'acquisition de biens et le bonheur, la démocratisation du désir et le culte du nouveau; d'où le vocable de "consuptionisme" (...) pour indiquer une sorte de course effrénée à la production et à la consommation comme moteur social." Benoît Heilbrunn, La consommation et ses sociologies, p13

Le développement de la standardisation à entrainé deux concepts que sont la nouveauté renouvelée et l'uniformisation de l'offre.
Cette course à la nouveauté introduit alors à la fois le principe de rotation rapide de la marchandise, l'accélération de l'obsolescence sociale/perçue des produits, donnant au marketing la tâche de sacraliser le produit pour lui donner de l'appétence.
La stratégie de mimétisme opérée par les industriels ont en effet poussé le besoin d'accroître la différenciation par l'image, à défaut de singulariser la marchandise.
En effet, la reproduction en série, la profusion d'objets de consommation, ont engrangé une perte "d'aura" du produit, ainsi que sa banalisation.
La mise en exergue de l'image associée à l'appauvrissement de la différenciation de l'offre, impliquent dès lors un décrochage entre VALEUR D'IMAGE et VALEUR D'USAGE.
De part cet écart, on comprend que l'objet de consommation dispose d'une signification sociale et symbolique qui dépassent la simple valeur d'usage.

"La consommation telle qu'elle advient dans toute la société se place en fait en-delà du seul commerce, c'est à dire, ne se limite pas au seul échange de biens en ce qu'elle intègre toujours une dimension culturelle, tout autant qu'économique. La consommation est ainsi affaire de sens, de valeur et de communication tout autant que de prix, d'échanges et de relations économiques." Benoît Heilbrunn, La consommation et ses sociologies, p59

La culture de consommation engage différentes façons de faire et de voir, un ensemble de pratiques identitaires propres au consommateur, qui échangent du sens, des valeurs, tout en s'affranchissant de l'aspect fonctionnel de l'objet.

"(le rétablissement de l'aura d'un objet nécessite NDLR) un juste réglage de la distance sur le lieu de ventre entre l'objet et son consommateur afin que s'établisse un dialogue à mi-chemin d'une distance suffisante pour susciter le désir, proximité suffisante pour permettre l'achat (...), énonciation d'un discours, qu'il soit écrit ou visuel, destiné à l'accompagner." Benoît Heilbrunn citant Bruno RemauryLa consommation et ses sociologies, p12

La sémiotisation de la marchandise s'explique en considérant le monde de la consommation comme une ORGANISATION SOCIALE.
La consommation dépend en effet d'une "constellation de marchandises et d'expériences" qui insuffle SENS, COHERENCE et EMOTION.

Les rôles de la possession sont de:
-médiatiser les conflits intérieurs
-exprimer les qualités du "soi"
-indiquer un statut
-parachever l'intégration sociale

En effet, la DIMENSION RETHORIQUE est également une dimension idéologique qui permet de véhiculer un imaginaire et des valeurs.
L'objet de consommation doit être appréhendé comme un processus d'interaction, qui montre des accomplissements, une singularité, une appartenance, des systèmes d'intérêts et des activités.
A travers cette dimension culturelle, l'objet porte dès lors un ROLE TOTEMIQUE qui permet le balisage du rapport à l'autre et inscrit l'individu dans un registre de différenciation.
Enfin, l'objet de consommation s'illustre part sa démarche de sacralisation, en tant que transcendance de l'ici et du maintenant.
"Les objets manufacturés jouent dans le monde occidental contemporain comme des totems. Sahlins montre notamment que le vêtement intervient comme totem classificatoire en permettant de communiquer des identités sociales distinctes. Le vêtement, outre sa propriété protectrice, fonctionne comme symbolique signant l'appartenance à une communauté donnée." Benoît Heilbrunn, La consommation et ses sociologies, p62

La DIMENSION AFFECTIVE DES MARQUES se définit par un ensemble de pratiques signifiantes et identitaires qui permet au consommateur de créer du sens et de se définir.
Le consommateur, impliqué dans une relation qui contribue à donner du sens à sa vie, s'intègre ainsi dans une tribu nommée COMMUNAUTE DE MARQUE. Celle-ci est un ensemble structuré fait de relations sociales entre individus, d'affinités, de cultures et d'histoires, qui offre le pouvoir aux membres de participer à la CONSTRUCTION SOCIALE DE LA MARQUE.
"L'approche tribale signifie notamment la possibilité d'envisager une relation à la marque qui ne passe plus tant par des cartes de fidélité (...) que par des rituels, objets cultes, ou lieux qui fondent l'expérience communautaire de la marque mais aussi la capacité à raisonner en termes de communauté signifiante, c'est à dire le regroupement d'individus autour d'un intérêt, d'une émotion ou d'une passion partagée plutôt qu'en terme de segment."Benoît Heilbrunn, La consommation et ses sociologies, p77
Cette construction sociale se définit par une fidélité exclusive et oppositionnelle (ex: Coca vs Pepsi), d'un engagement et de la défense de la marque (notamment sur les réseaux sociaux), le recrutement de nouveaux membres et l'assistance qu'ils leur apportent, et enfin un ensemble de rites et de traditions.

Benoît Heilbrunn interroge également la notion de DESIR dans le cadre de la consommation, dont il estime qu'elle dépend de la façon dont l'objet de consommation s'inscrit dans un système de règles de perception culturelle.
Il évoque par ailleurs le concept de René Girard autour du DESIR MIMETIQUE, pensé comme une triangulation, soit un désir qui n'existe que par le truchement d'autrui. On est, là encore, dans l'interaction par l'objet, et sa totémisation.
"Toute société humaine fonctionne comme un rigoureux et implacable dispositif à piéger le désir (et) en le travestissant en besoin, elle l'institutionnalise - le rend obligatoire - en même temps qu'elle le banalise, le rend commun." Benoît Heilbrunn citant G-H de Radkowski (Les jeux du désir. De la technique à l'économie), La consommation et ses sociologies, p62

Enfin, l'auteur explore dans son ouvrage le CONCEPT DE SOI, envisagé comme une processus de choix.
Les pratiques de consommation à l'aune du concept de soi s'explique comme étant un moyen d'étendre le champ de l'image de soi, et de mettre en récit les fragments de son identité.
Le concept de soi appréhendé à travers la marque explique 18% de l'attitude générale à la marque, et jusqu'à 58% en ce qui concerne l'habillement.

"En tâchant d'enrichir en permanence le lien avec leurs consommateurs à travers des logiques de fidélisation et d'attachement, les marques s'érigent comme partenaire incontournable dans la vie des individus en s'inscrivant comme naturellement dans leur environnement physique et symbolique quotidien. La marque vient alors pallier la déficience du lien social, si bien que les relations entre consommateur et la marque deviennent parfois analogues aux relations interpersonnelles."
Benoît Heilbrunn, La consommation et ses sociologies, p115

La consommation et ses sociologies de Benoît Heilbrunn



Articles complémentaires:
https://www.scienceshumaines.com/la-consommation-penseurs-et-courants_fr_26876.html

http://extranet.editis.com/it-yonixweb/images/DEC/art/doc/0/0e2ee20b9e316397353131333735383434373833.pdf

http://www.watoowatoo.net/mkgr/papers/CG-MK-LM-CU-RAM2009.pdf

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01059015/document

http://fortune.fdesouche.com/tag/echange-consommatoire

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