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Consommations émergentes; la fin d'une société de consommation? Sous la direction de Philippe Moati et Dominique Desjeux

Cet ouvrage, conduit par Philippe Moati et Dominique Desjeux, interroge la notion d'émergence dans la consommation et les dispositifs de captation du consommateur , à travers des thèses développées par Olivier Badot, Christophe Benavent, Enrico Colla, Dominique Desjeux, Benoît Heilbrunn, Michel Henochsberg, Nathalie Lemarchand, Philippe Moati, Robert Rochefort et Dominique Roux.

Il vise à "réfléchir de façon pluridisciplinaire aux évolutions des modes de consommation et aux formes de la distribution commerciale en cherchant résolument leurs correspondances avec les évolutions plus structurelles de la société elle-même"

L'introduction, rédigée par Dominique Desjeux, mais en exergue le sens même d'émergence: "l'émergence n'existe pas en soi mais est la résultante d'un effet de construction sociale, d'un effet de lutte entre des entreprises, des consommateurs, des fractions de l'Etat, des médias, des scientifiques et des consommateurs."

Selon Christophe Benavent, l'appareillage du consommateur a des conséquences sur son mode de consommation:
-un gain de productivité dans le processus d'achat et de consommation
-une capacité accrue à prendre des décisions rationnelles
-un renforcement des effets de polarisation
-une plus grande performance des instruments de mesure de soi
La productivité ainsi soulignée s'illustre par la mise à contribution du consommateur dans les biens et services qu'il consomme et sa recherche en amont d'informations.
L'autonomie dont dispose le consommateur et le déploiement de dispositifs puissants de recommandation peer to peer biaisent le système de préférence et les modalités de consommation, ce qui affecte le marché en fragmentant l'offre, mais également en appauvrissant l'offre et en amplifiabr les normes, facilitant ainsi la prise de décision.
La préférence systématique pour un type de sources, une typologie de personnes de la part du consommateur, a pour conséquence la formation de "bulles closes" d'échange, qui coexiste sans interagir, affectant ainsi l'espace social par un effet de découpage/polarisation.
"Le paradoxe est qu'en reliant potentiellement plus de monde et de manière plus serrée, on ne ferait après tout qu'amplifier les inégalités et les différences sociales."
L'appareillage invite également à la quête de satisfaction de soi, encouragé par le "like", on parle alors de "nudges" en tant que "dispositifs incitatifs destinés à encourager certains comportements  ou certaines décisions dont l'effet renforce la politique à laquelle elle est associée."
Ces nudges façonneraient ainsi les actions du consommateur en l'encourageant à chercher l'approbation des autres par le like.

Michel Henochsberg, quant à lui, nous offre une réflexion sur la mythologie du troc comme fondement de l'économie contemporaine.
A travers un raisonnement étayé, il élabore une thèse selon laquelle l'économie de transaction telle qu'elle existe aujourd'hui ne peut pas tirer ses origines du troc.
En effet, le troc a pour conditions l'instantanéité et l'équivalence de deux biens transférés, recélant intrinsèquement "symétrie et réciprocité."
De fait, historiquement et pour des raisons pratiques, le paiement de l'achat était quasi systématiquement différé (il y avait peu de chance que les deux partis disposent simultanément des deux biens à échanger au même instant).
"La réciprocité de l'échange dissimule la vérité de la transaction. Les sociétés, y compris le capitalisme, connaissent d'autres formes de circulation des biens: acheter, vendre, donner, diffuser, prélever, distribuer, hériter, transmettre, voler, piller, détruire. Toutes ces formes de circulations des biens ne respectent pas l'exigence de la réciprocité, comme le suppose l'échange."
En réalité, une transaction se définit par une "acceptation mutuelle du rapport de forces antagoniques", induisant une "équivalence immanente à l'acte."

Olivier Badot nous propose une thèse basée sur le DE-MARKETING.
Les formes de résistances et de défiance à l'encontre de la société de consommation, notamment de masse, n'entraîne pas une réduction de la consommation, loin s'en faut.
Ce rejet de la consommation ouvre les portes de la "défétichisation" (aussi appelée "oostalgia") des marques et des biens de consommation par la simplification du système d'offre.
Olivier Badot indique alors que "le fait de "marketer" une offre moins connotée par les éléments sur lesquels porte la critique de l'hyperconsommation, voire à y intégrer ceux d'une contre-culture de la consommation." (Bradley et Blythe, 2013)

Nathalie Lemarchand se penche, quant à elle, sur la tendance de la consommation locale s'appuyant que la thèse selon laquelle "la revalorisation du lien social et avec lui de la solidarité et de la proximité s'est imposée favorisant l'émergence de nouveaux modes de consommation."
La notion de proximité se compose de trois éléments:
-la quotidienneté d'un territoire
-le vecteur culturel et social
-l'action et le discours politique
Nathalie Lemarchand évoque le phénomène de gentrification et de "creative class" comme  un mouvement qui tend à sortir de la consommation de masse et à s'investir sur le plan culturel, entrainant  de nouvelles formes de consommation illustrant un style de vie et des valeurs communes, "sorte de distinction sociale et géographique car cet amalgame entre produits, valeurs locales et espace géographique contribue à la croissance et à la transformation urbaine."
Le consommateur édifie des bulles, engendrant des "unités territoriales" faisant écho à leur territoire de référence.

Dominique Roux construit un raisonnement autour de la question du marché de l'occasion, s'appuyant sur une réalité de consommation, qui, à l'échelle de la France, s'appuis sur les chiffres suivants:
60% des Français pratiquent l'achat de biens d'occasion, 40% des français se prêtent au "glanage" dont 5% de façon récurrente.
De nouveaux paradigmes d"une démarche consumériste s'appliquent, avec pour conséquence un déplacement des "normes relatives aux possessions comme signe, comme marqueurs de statut, comme valorisation narcissique, comme effets d'imitation".
Il est intéressant de souligner que la pratique de la vente et de l'achat de biens d'occasions s'appuie sur de nouvelles modalités d'évaluation humanisées, tant en terme de négociation quant à la valeur de l'objet que dans la "charge symbolique au cours du processus de réappropriation" par l'acquéreur.
Et de souligner que, loin d'offrir une alternative visant à réduire la consommation, "ces caractéristiques participent pourtant à offrir un re-nouveau dans la consommation, re-nouveau qui concerne autant les types d'objets qu'on y trouve-plus singuliers et moins standards-, que les manières d'échanger autour du prix ou des objets, et les possibilités de s'extraire d'un système trop prévisible, codifié et corseté dans une logique d'usages prescrits et d'injonctions à consommer."


Consommations émergentes; la fin d'une société de consommation? Sous la direction de Philippe Moati et Dominique Desjeux



Articles complémentaires:
http://www.slate.fr/story/137069/societe-consommation-est-morte-vive-societe-consommation?utm_source=Slate+x+Titiou&utm_campaign=8130c31b16-Slate_x_Titiou_010_29_2015&utm_medium=email&utm_term=0_d7bb8be269-8130c31b16-131447809

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