La mondialisation fait tout simplement partie depuis toujours de l'histoire humaine...et Daniel Cohen de nous le démontrer à travers une analyse brillante agrémentée de faits historiques concrets.
Son ouvrage débute par le questionnement des axes Nord/Sud et les raisons des disparités économiques et technologiques toujours visibles de nos jours.
L'explication est pourtant très simple: l'accès aux animaux domesticables, conditionné lui-même par l'environnement (et non le climat), a déterminé dès les prémices de notre civilisation, les sociétés en mesure de s'affranchir des tâches éprouvantes pour s'élever.
S'en suit un processus autocatalytique qui engrange une densité de population plus importante, qui elle-même devient source d'innovation, libérant encore plus l'Homme de sa condition, engrangeant encore une fois une population plus dense.
"Les écarts entre les continents ne doivent rien aux climats ou aux gènes et tout a un facteur infiniment plus simple: la présence d'animaux capables d'être domestiqués, l'existence de plantes qui puissent être cultivées."
L'auteur souligne par ailleurs que la présence de colonisateurs, à travers les "missions" dont ils se pensaient responsables, ont apporté des réponses à des questions qui n'en étaient pourtant pas pour les indigènes, tout en créant de nouveaux problèmes.
Cette première "mondialisation" historique est suivie d'une seconde, synthétisée dans le chapitre intitulé "d'une mondialisation à l'autre" à travers la confrontation de deux axes, que Daniel Cohen synthétise en "axe Nord/Nord" et "axe Nord/Sud".
L'analyse de l'axe Nord/Nord met en exergue l'exode rurale, mettant fin à la sédentarité rurale.
En découle une mobilité des personnes qui convergent vers un même niveau de vie.
L'axe Nord/Sud se distingue par un échange commercial prédominant qui accélère les divergences de destins entre pays. Les rôles sont ainsi départagés entre ceux qui créent, ceux qui confectionnent et ceux qui achètent.
Cette division internationale du travail est drainée par des choix stratégiques commerciaux.
En effet, la distribution du commerce entre nations entraine une division du travail, dans lequel chaque pays a dût choisir un secteur dans lequel il excellait en fonction des différentes options (performance et compétitivité) qui s'offraient à lui.
Mais, cette division des richesses ne s'est ni imposée lors des révolutions industrielles, ni lors de la colonialisation, loin s'en faut.
En effet, "le destin du tiers-monde était déjà scellé lorsque l'importation de matières premières devint la règle du monde riche."
Comment expliquer dès lors cette "exploitation" des uns par les autres?
Daniel Cohen prend l'exemple de l'Inde pour étayer ses propos. Le refus des ouvriers d'être exploités a entrainé une baisse de la compétitivité. Or, le capitalisme se diffuse dans un premier temps par l'aliénation ouvrière (le Fordisme) pour ensuite déboucher sur l'adhésion du modèle économique.
L'auteur nous propose ensuite de nous interroger sur la notion de "nouvelle économie-monde" sous le prisme de l'Europe et plus particulièrement de son système économique.
Celui-ci est principalement basé sur un commerce inter-Europe, conditionné par l'échange de produits aux caractéristiques proches, entre voisins, car, les goûts de chaque membre se rejoignent.
De fait, la France exporte moins de 10% de ces produits et services en dehors de l'Europe.
Une citation de Robert Solow vient synthétiser ce constat d'un "on voit la mondialisation partout sauf dans les statistiques."
De plus, l'économie post-industrielle se compose essentiellement, pour les pays riches, de services (à 80%), concentrés sur les activités en amont (la conception) et en aval (la prescription).
Cette réalité n'a rien de nouveau car l'on constate dès 1949 en France que la répartition entre emplois de service et emplois industriels étaient déjà de 50/50.
Daniel Cohen nous invite ensuite à nous interroger sur la notion de "développement comme liberté", en nous rappelant que la capacité à faire des choix est une étape essentielle à la liberté.
"Ramener le développement à ses conséquences, en ignorant le processus qui y mène est totalement réducteur".
Et de nous rappeler que la liberté n'est pas un principe occidental, mais a immergé notamment grâce/à cause des guerres qui ont fait émerger une demande sociale d'égalité.
Ce besoin étant propice à la production de bien publics partagés, cela a construit les valeurs qui sont celles de notre société contemporaine.
"Penser la liberté comme un attribut occidental, c'est avoir la fâcheuse habitude de juger le passé à la lumière du présent, d'oublier l'inquisition, les tragédies du XXème siècle..."
Et de poursuivre avec les notions de sociétés ouvertes et fermées, notamment en mettant en exergue le constat que les sociétés dites ouvertes font un meilleur usage de l'éducation (#formater) qui permet, notamment, l'appropriation des technologies et de l'innovation.
"Lorsque l'innovation technologique n'est pas subie, lorsqu'elle est anticipée au cours d'une phase de croissance, alors elle peut réussir" notent X.Daumalin et O.Raveux.
Daniel Cohen nous propose également une vision pertinente des leviers de richesse à travers l'efficacité industriel et économique.
En effet, une triple multiplication permet d'expliquer croissance et dénuement des pays: il s'agit de la nécessité de l'éducation, combiné au capital et à l'efficience globale d'un pays qui, actionnés en même temps, permettent d'atteindre un niveau de croissance supérieur. C'est d'ailleurs ce que constate l'auteur à travers son analyse sur la forte progression du Japon lors du dernier siècle.
De plus, l'auteur indique que le niveau moyen des pays pauvres est inférieur aux pays riches d'environ 1/3 de ces leviers. Ainsi, le résultat accuse un niveau moyen inférieur total de 27%.
"Un pays pauvre ne peut plus espérer rattraper les pays riches en se contentant d'accélérer, s'il y parvient, les cadences de travail" souligne Daniel Cohen.
L'ouvrage se poursuit par une analyse sur "l'hyperpuissance américaine au miroir européen".
D'aucun dirait que la mondialisation serait représentée par l'ultra-présence des états-unis.
Pourtant, loin s'en faut, cette domination est toute autre: l'auteur nous propose une analyse sous le prisme de Adam Smith et de Joseph Schumpeter.
La logique schumpetérienne se base sur la capacité d'innovation d'une économie comme levier de croissance, quand la logique smithsienne propose une prospérité issue de l'optimisation des ressources, par la division du travail.
L'Europe a connu une vaste époque schumpetérienne, allant du moyen-âge au XIXème siècle, stoppée par un environnement défavorable et notamment par la seconde guerre mondiale, au profit d'un système smithsien.
Les Etats-Unis ont depuis repris à leur compte cette économie schumpetérienne, en se concentrant sur la recherche, le dépôt de brevets et l'innovation.
Enfin, Daniel Cohen clôture son analyse par le constat que la nécessité de rendre le monde plus "juste" passe par l'entrée des pays pauvres dans le capitalisme mondial, tout en offrant la possibilité d'entrer dans un autre espace, public, qui échapperait au capitalisme.
Le bilan de l'auteur tient en une phrase "la mondialisation ne tient pas ses promesses", en l'absence d'intégration des pays pauvres au capitalisme mondiale et en n'offrant, comme seul horizon de prospérité, les pays du nord.
"Le capitalisme est incapable de produire par lui-même "l'esprit" dont il a besoin pour prospérer".
La mondialisation et ses ennemis; de Daniel Cohen
Articles complémentaires:
http://ses.ens-lyon.fr/les-fiches-de-lecture/la-mondialisation-et-ses-ennemis-25762
http://www.parutions.com/pages/1-6-63-4436.html
http://tropvite.fr/lectures/la-mondialisation-et-ses-ennemis/
http://www.prepa-hec.org/ressources/histoire-geographie-aeh/fiches/mondialisation-ennemis-cohen/
http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/la-mondialisation-vue-par-daniel-6682
https://www.cairn.info/revue-economique-2008-4-page-843.htm
Son ouvrage débute par le questionnement des axes Nord/Sud et les raisons des disparités économiques et technologiques toujours visibles de nos jours.
L'explication est pourtant très simple: l'accès aux animaux domesticables, conditionné lui-même par l'environnement (et non le climat), a déterminé dès les prémices de notre civilisation, les sociétés en mesure de s'affranchir des tâches éprouvantes pour s'élever.
S'en suit un processus autocatalytique qui engrange une densité de population plus importante, qui elle-même devient source d'innovation, libérant encore plus l'Homme de sa condition, engrangeant encore une fois une population plus dense.
"Les écarts entre les continents ne doivent rien aux climats ou aux gènes et tout a un facteur infiniment plus simple: la présence d'animaux capables d'être domestiqués, l'existence de plantes qui puissent être cultivées."
L'auteur souligne par ailleurs que la présence de colonisateurs, à travers les "missions" dont ils se pensaient responsables, ont apporté des réponses à des questions qui n'en étaient pourtant pas pour les indigènes, tout en créant de nouveaux problèmes.
Cette première "mondialisation" historique est suivie d'une seconde, synthétisée dans le chapitre intitulé "d'une mondialisation à l'autre" à travers la confrontation de deux axes, que Daniel Cohen synthétise en "axe Nord/Nord" et "axe Nord/Sud".
L'analyse de l'axe Nord/Nord met en exergue l'exode rurale, mettant fin à la sédentarité rurale.
En découle une mobilité des personnes qui convergent vers un même niveau de vie.
L'axe Nord/Sud se distingue par un échange commercial prédominant qui accélère les divergences de destins entre pays. Les rôles sont ainsi départagés entre ceux qui créent, ceux qui confectionnent et ceux qui achètent.
Cette division internationale du travail est drainée par des choix stratégiques commerciaux.
En effet, la distribution du commerce entre nations entraine une division du travail, dans lequel chaque pays a dût choisir un secteur dans lequel il excellait en fonction des différentes options (performance et compétitivité) qui s'offraient à lui.
Mais, cette division des richesses ne s'est ni imposée lors des révolutions industrielles, ni lors de la colonialisation, loin s'en faut.
En effet, "le destin du tiers-monde était déjà scellé lorsque l'importation de matières premières devint la règle du monde riche."
Comment expliquer dès lors cette "exploitation" des uns par les autres?
Daniel Cohen prend l'exemple de l'Inde pour étayer ses propos. Le refus des ouvriers d'être exploités a entrainé une baisse de la compétitivité. Or, le capitalisme se diffuse dans un premier temps par l'aliénation ouvrière (le Fordisme) pour ensuite déboucher sur l'adhésion du modèle économique.
L'auteur nous propose ensuite de nous interroger sur la notion de "nouvelle économie-monde" sous le prisme de l'Europe et plus particulièrement de son système économique.
Celui-ci est principalement basé sur un commerce inter-Europe, conditionné par l'échange de produits aux caractéristiques proches, entre voisins, car, les goûts de chaque membre se rejoignent.
De fait, la France exporte moins de 10% de ces produits et services en dehors de l'Europe.
Une citation de Robert Solow vient synthétiser ce constat d'un "on voit la mondialisation partout sauf dans les statistiques."
De plus, l'économie post-industrielle se compose essentiellement, pour les pays riches, de services (à 80%), concentrés sur les activités en amont (la conception) et en aval (la prescription).
Cette réalité n'a rien de nouveau car l'on constate dès 1949 en France que la répartition entre emplois de service et emplois industriels étaient déjà de 50/50.
Daniel Cohen nous invite ensuite à nous interroger sur la notion de "développement comme liberté", en nous rappelant que la capacité à faire des choix est une étape essentielle à la liberté.
"Ramener le développement à ses conséquences, en ignorant le processus qui y mène est totalement réducteur".
Et de nous rappeler que la liberté n'est pas un principe occidental, mais a immergé notamment grâce/à cause des guerres qui ont fait émerger une demande sociale d'égalité.
Ce besoin étant propice à la production de bien publics partagés, cela a construit les valeurs qui sont celles de notre société contemporaine.
"Penser la liberté comme un attribut occidental, c'est avoir la fâcheuse habitude de juger le passé à la lumière du présent, d'oublier l'inquisition, les tragédies du XXème siècle..."
Et de poursuivre avec les notions de sociétés ouvertes et fermées, notamment en mettant en exergue le constat que les sociétés dites ouvertes font un meilleur usage de l'éducation (#formater) qui permet, notamment, l'appropriation des technologies et de l'innovation.
"Lorsque l'innovation technologique n'est pas subie, lorsqu'elle est anticipée au cours d'une phase de croissance, alors elle peut réussir" notent X.Daumalin et O.Raveux.
Daniel Cohen nous propose également une vision pertinente des leviers de richesse à travers l'efficacité industriel et économique.
En effet, une triple multiplication permet d'expliquer croissance et dénuement des pays: il s'agit de la nécessité de l'éducation, combiné au capital et à l'efficience globale d'un pays qui, actionnés en même temps, permettent d'atteindre un niveau de croissance supérieur. C'est d'ailleurs ce que constate l'auteur à travers son analyse sur la forte progression du Japon lors du dernier siècle.
De plus, l'auteur indique que le niveau moyen des pays pauvres est inférieur aux pays riches d'environ 1/3 de ces leviers. Ainsi, le résultat accuse un niveau moyen inférieur total de 27%.
"Un pays pauvre ne peut plus espérer rattraper les pays riches en se contentant d'accélérer, s'il y parvient, les cadences de travail" souligne Daniel Cohen.
L'ouvrage se poursuit par une analyse sur "l'hyperpuissance américaine au miroir européen".
D'aucun dirait que la mondialisation serait représentée par l'ultra-présence des états-unis.
Pourtant, loin s'en faut, cette domination est toute autre: l'auteur nous propose une analyse sous le prisme de Adam Smith et de Joseph Schumpeter.
La logique schumpetérienne se base sur la capacité d'innovation d'une économie comme levier de croissance, quand la logique smithsienne propose une prospérité issue de l'optimisation des ressources, par la division du travail.
L'Europe a connu une vaste époque schumpetérienne, allant du moyen-âge au XIXème siècle, stoppée par un environnement défavorable et notamment par la seconde guerre mondiale, au profit d'un système smithsien.
Les Etats-Unis ont depuis repris à leur compte cette économie schumpetérienne, en se concentrant sur la recherche, le dépôt de brevets et l'innovation.
Enfin, Daniel Cohen clôture son analyse par le constat que la nécessité de rendre le monde plus "juste" passe par l'entrée des pays pauvres dans le capitalisme mondial, tout en offrant la possibilité d'entrer dans un autre espace, public, qui échapperait au capitalisme.
Le bilan de l'auteur tient en une phrase "la mondialisation ne tient pas ses promesses", en l'absence d'intégration des pays pauvres au capitalisme mondiale et en n'offrant, comme seul horizon de prospérité, les pays du nord.
"Le capitalisme est incapable de produire par lui-même "l'esprit" dont il a besoin pour prospérer".
La mondialisation et ses ennemis; de Daniel Cohen
Articles complémentaires:
http://ses.ens-lyon.fr/les-fiches-de-lecture/la-mondialisation-et-ses-ennemis-25762
http://www.parutions.com/pages/1-6-63-4436.html
http://tropvite.fr/lectures/la-mondialisation-et-ses-ennemis/
http://www.prepa-hec.org/ressources/histoire-geographie-aeh/fiches/mondialisation-ennemis-cohen/
http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/la-mondialisation-vue-par-daniel-6682
https://www.cairn.info/revue-economique-2008-4-page-843.htm
Commentaires
Enregistrer un commentaire